Mocassins

L’après-midi s’est écoulée agréablement, me laissant absorbé dans mon artisanat, coupant le cuir de cerf aux formes de mes futurs mocassins.

Les patrons en carton, les chutes de cuir, le fil et les aiguilles sont éparpillés sur ma table et je commence à voir les mocassins qui apparaissent dans mes mains. Je me sens fier et heureux de réaliser enfin ce projet.

Je sens qu’en fabriquant cette paire de chaussures, je poursuis la récupération de compétences élémentaires propres à ma condition humaine. 

Cette aptitude basique pour nos ancêtres durant 90% de l’histoire de l’humanité, ne m’était jamais apparue aussi essentielle.

En sortant dans la rue pour aller chercher ma fille à l’école, ma focalisation artisanale de l’après-midi me fait regarder différemment la foule urbaine aux vêtements variés, à la mode, colorés et aux matériaux d’une infinie variété bien que majoritairement d’origine synthétique.

Le fait qu’aucune des personnes que je croise ne soit capable de reproduire la matière ou de confectionner l’habit qu’elles portent, m’apparaît soudain comme puéril.

Paradoxalement, dans cette grande ville chacun, chacune semble prendre très grand soin de son choix vestimentaire, comme une affirmation de sa personnalité, de son statut ou de son originalité et pourtant aucun de ces vêtements n’est produit à l’unité, tous sont des productions industrielles de masse, pour la masse qui cherche à affirmer son individualité.

Les personnes que je croise sont adultes pour la plupart et pourtant aucune n’est autonome dans son besoin vestimentaire, toutes sont réduites à convoiter des tissus et des vêtements qu’elles ne savent pas fabriquer elles-mêmes. Comme des enfants qui n’auraient pas appris à se débrouiller seuls pour un besoin aussi élémentaire que celui de se vêtir.

Quelque chose de fondamentalement inachevé dans cette culture me saute aux yeux. 

Je me projette avec le regard de n’importe quelle tribu « primitive » ou « non civilisée » dans laquelle chaque membre possède les compétences nécessaires pour se nourrir et se vêtir de façon autonome : à quel point les membres de nos sociétés « civilisées » leur apparaîtraient comme de grands enfants soumis, dont l’éducation est restée inachevée ?

Savoir produire un textile à partir d’éléments bruts de la nature, savoir le coudre à la forme d’un vêtement ou d’une chaussure, n’apparaît pas nécessairement comme une compétence aussi fondamentale que la production du feu ou d’un abri. Néanmoins, cette compétence implique la maîtrise de nombreuses autres aptitudes, comme la reconnaissance végétale pour se procurer des fibres aptes au tissage ou la chasse pour se procurer la peau d’un animal. 

Et de ces deux aptitudes en découlent de nombreuses autres, comme la fabrication d’arc et de flèches, le pistage, l’orientation, la production d’outils coupants, de contenants, etc.

Une compétence aussi humble que la couture implique finalement une infinité d’autres compétences passionnantes que l’on ne peut découvrir qu’en s’émancipant de l’approvisionnement commercial qui nous coupe de notre créativité et de notre agilité.

Si vous êtes intéressé.e.s par cet apprentissage, n’hésitez pas à me le faire savoir. Il est possible d’organiser un stage sur un week-end.

Thomas

3 commentaires sur “Mocassins

  1. Merci beaucoup Thomas pour ton histoire. Elle fait écho à la mienne. Ayant deux paires de mocassins que je me suis fabriqué, plus une ‘tunique » en peau, je sens en moi que ce qui me manque, c’est la capacité de fabriquer le cuir avec lequel bâtir mes vêtements. J’ai récupéré une peau de chevreuil sur un animal tué sur la route. J’ai l’impression que c’est trop fin pour des vêtements. je serai intéressé par un stage de tannage pour aller de la peau brut au cuir souple et assez épais pour des vêtements. J’espère que je suis clair… 😉
    Fabrication d’aiguilles en os aussi…
    On se voit bientôt au stage de trailing de novembre (en espérant qu’il est bien lieu). je te rapporterai ton parachute 🙂
    Je t’embrasse mon ami !
    Alban

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    • Salut Alban
      Merci pour ton message
      Le tannage c’est magique ! en ce moment je fait que ça : tannage au gras et tannage végétal, fourrures et cuirs c’est tellement beau ce qu’on peut créer avec !
      La peau de chevreuil convient parfaitement à l’habillement , en tannage au gras c’est super souple et relativement fin, idéal pour faire un short pour la course à pied (respirant) avec deux peaux ou un débardeur avec deux ou trois peaux. En tannage végétal tu gagne de l’épaisseur, de la solidité et de la résistance à l’humidité.
      J’ai un approvisionnement de peaux brutes de cerfs et biches qui permettrai d’organiser un stage de tannage au gras avec des personnes solides physiquement parce que c’est très physique à travailler quand tu débute (et même tout court).
      Bref on pourra en parler pendant le stage de traque, c’est cool.
      Bises
      à bientôt
      Thomas

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  2. Excellent !
    Préviens moi si tu organise une confection 😉
    À la Joie de te trouver sur ma route 😉
    Johanne

    Envoyé de mon iPhone

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